dimanche 23 juin 2013

Deux pompiers meurent dans un incendie à Uccle

Le feu est en plein développement lorsque les engins se présentent. La configuration des lieux rend les reconnaissances difficiles. Les ressources en eau disponibles ne permettent pas l’alimentation correcte des lances sur échelle. © Robert Dekock
Un incendie dans un ancien centre de formation, va causer la mort de deux sapeurs-pompiers de Bruxelles, en Belgique, et en blesser un autre. Cet accident va être à l’origine d’une réforme de la méthodologie opérationnelle au sein de l’unité bruxelloise.
Le samedi 30 août 2008, vers 14 heures, deux enfants de seize et treize ans jouent avec le feu dans un ancien centre de formation. Les vieilles bombes de peinture deviennent des lance-flammes de fortune pour les deux adolescents. Mais une flamme va être plus longue que les autres, et va atteindre de vieux rideaux tombés au sol. Ils tentent d’éteindre le feu, qui a trouvé un aliment de choix, en tapant des pieds frénétiquement. En vain… Le feu commence à se propager aux autres rideaux encore tendus devant les fenêtres. Il commence sa lente progression dans cette friche industrielle. Le complexe se compose de trois ailes en forme de « U » et d’un patio. La première aile – dénommée aile A – est un bâtiment R+2, à ossature métallique, d’une superficie de 560 m² environ. La seconde aile – aile B – est un bâtiment R+3, légèrement plus grand que le premier, aménagé en espaces de bureaux. À chaque extrémité de cette aile, on trouve un escalier intérieur, qui est relié par un couloir central. Un passage couvert relie ces deux ailes A et B. Une troisième aile – Aile C – est composée uniquement de deux niveaux dont un étage. Enfin, le patio qui se trouve au milieu des trois ailes, tout comme le passage couvert, sont envahis par des arbres de grande hauteur. La nature a pris ses quartiers dans cet immeuble, voué à la destruction, qui a déjà été le repaire de squatteurs. 



Une alerte tardive



Au lendemain du drame, on apprendra que le propriétaire des lieux avait obtenu depuis peu l’autorisation de démolir cette friche pour y construire un ensemble d’appartements. L’abandon de cet immeuble est certainement une des causes de l’alerte tardive des secours. C’est en effet à 14 h 42 qu’un moniteur du club de tennis voisin compose le 100. À l’opérateur, il signale un incendie, sans pouvoir exactement situer le lieu exact du sinistre. Le départ incendie est sonné dans la caserne de Chênaie, où l’autopompe prend immédiatement le départ, complétée par l’échelle d’Anderlecht. La sonnerie de feu résonne simultanément à l’état-major, et à la caserne de l’héliport. Une autopompe, une auto-échelle, une ambulance incendie, et la voiture de l’officier de garde prennent immédiatement le départ. Avenue de l’Héliport, les portes des remises se ferment. Le convoi d’engins rouges part toutes sirènes hurlantes vers le feu. À l’arrivée des secours, le feu a déjà gagné une bonne partie de l’aile A. La structure de cette zone s’est effondrée. Seule la façade tient encore debout. D’importantes flammes et une épaisse fumée noire s’échappent des décombres. Rapidement, deux grosses lances et deux petites lances, renforcées par une lance haute pression, sont établies par les personnels des deux autopompes. L’action conjuguée de ces moyens doit permettre de contenir le feu sur cette aile. L’aile « B » ne semble pas être atteinte par le sinistre. La végétation dense crée un mur et ralentit, voire interdit, la progression des secours, ne facilitant pas les reconnaissances de l’officier de garde.



Une légère fumée blanche…



L’officier parvient à reconnaître cette aile, où le feu n’est pas encore passé. Il n’y a pas de dégagement de chaleur. Seule, une légère fumée blanche plane… Une grosse lance est positionnée dans l’aile B au niveau du passage couvert. Les secours sont également confrontés à un manque d’eau, ce qui ne permet pas d’alimenter en lances l’échelle d’Anderlecht. Son conducteur est donc utilisé pour constituer un binôme, afin de stopper la propagation du feu depuis un bureau, côté patio. Armé d’une petite lance, ce second binôme demande l’utilisation d’un ventilateur, notamment en raison de la fumée blanche qui est dans l’atmosphère. Elle semble provenir du patio. La mise en place du ventilateur est confiée à un second binôme, qui le positionne à l’entrée, au niveau du passage couvert. Un officier stagiaire aide à la manœuvre, il doit également remplacer le conducteur de l’échelle d’Anderlecht, afin que celui-ci regagne son poste. La fumée est toujours présente, mais les hommes ne ressentent aucune sensation de chaleur. Aucun bruit n’est ressenti dans toute l’aile B.



La situation change rapidement



Alors que le binôme et l’officier stagiaire sont arrivés dans le bureau situé à proximité de la cage d’escalier – au niveau de l’aile C –, la situation change radicalement. Il est 15 h 28. La fumée se densifie, plongeant les trois hommes dans le noir quasi total. La chaleur devient de plus en plus pesante, forçant le personnel à se baisser. Ces signes annonciateurs laissent présager l’imminence d’un embrasement généralisé éclair. Dehors, l’échelier de la caserne de l’Héliport constate que le toit de l’aile B s’est embrasé. Il presse immédiatement le signal d’évacuation général sur sa radio. Malheureusement, le signal n’est pas entendu. À l’intérieur, le feu redouble d’intensité. La chaleur est de plus en plus pesante, voire oppressante. Le binôme et l’officier stagiaire sont contraints de reculer. Le second binôme, armé de sa grosse lance, également. Cette équipe arrive à s’échapper par l’escalier, côté passage ouvert. L’officier stagiaire demande de l’aide par radio. Il chute dans l’escalier. Retrouvant ses esprits, il parvient à gagner l’extérieur en utilisant la technique « main droite », et se jette au travers d’une fenêtre dans le sous-sol. Sous son poids, les vitres simple vitrage ont cédé. Il est blessé aux épaules. Parallèlement à cela, la retraite du second binôme est stoppée par l’effondrement de la toiture de l’aile B et de la façade du patio. Les deux hommes sont pris au piège. Ils tentent coûte que coûte de s’en sortir. L’un deux est atteint par des débris et perd connaissance avant d’être enseveli par des décombres. Son équipier essaie de rejoindre une fenêtre de façade, en vain. Un flash-over se produit. La température atteint par endroits les 1 000 °C. Dehors, l’échelle d’Anderlecht est déplacée pour créer des exutoires et briser les fenêtres en double vitrage du premier étage. Les fumées et les gaz chauds sont évacués, tandis que les personnels de l’échelle donnent l’alarme. Deux sapeurs-pompiers de Bruxelles ont perdu la vie. L’épaisse fumée noire s’échappe des décombres. Les sapeurs-pompiers s’activent pour retrouver et dégager leurs collègues. Durant toute la soirée et la nuit, les hommes du Siamu vont lutter contre le sinistre, qui sera définitivement éteint le lendemain matin à 10 heures.



Une réflexion en profondeur



À l’issue du drame, le Siamu va engager une réflexion sur les enseignements à tirer de cette intervention dramatique. Avant même que le feu soit éteint, une cellule d’assistance psychologique a été activée pour venir en aide aux familles des deux victimes, mais également pour prendre en compte les collègues des centres de secours. À la suite de cela, une série de debriefings va se dérouler sur une période de cinq mois (novembre 2008 à mars 2009). Les résultats de ces entretiens vont permettre au corps de la région de Bruxelles-capitale d’intervenir selon plusieurs directions. Tout d’abord, le service s’est employé à rappeler à ses personnels les signes annonciateurs du Flash-over, tout en révisant ses méthodes de formation. Un point a été souligné sur le fait « … qu’il était dangereux de croire que l’eau suffit pour se protéger…. ». La notion de FGI a été également prise en compte. Un des autres points qui a posé problème, lors de l’intervention, a été celui de l’alimentation en eau des engins, à la fois en termes de longueur de tuyaux que de délais de mise en œuvre. Lors de l’opération, les personnels des ambulances ont dû aider les pompiers pour réaliser les établissements. Aussi, le renforcement de l’armement en matériel et en personnel des autopompes des postes avancés a fait l’objet d’une étude de la part des services techniques. Cette intervention a également mis en lumière des difficultés de gestion opérationnelle et de commandement, nécessitant à la fois une clarification des rôles de chacun (chefs d’agrès des autopompes, officier de garde) en termes de liaison radio simple. Cet accident montre une fois de plus l’intérêt de disposer de moyens en nombre. Autre enseignement, l’importance de confier au chauffeur de l’officier de garde la mission de prise en compte des moyens arrivant sur la zone d’intervention. Afin de faciliter le travail de l’officier de garde et lui permettre d’avoir une vision complète et réelle de la zone d’intervention, un projet de mise en place de caméra sur les échelles est à l’étude. Toutefois, dans l’attente de résultats probants, les écheliers sont chargés de rendre compte à l’officier de garde de l’évolution de la situation, mais surtout, ils doivent lui donner l’ensemble des éléments lui permettant une bonne reconnaissance des lieux. Enfin, autre avancée majeure en matière de planification, la centrale 100 de Bruxelles dispose, depuis peu, d’une cartographie en 3D actualisée, basée sur des photos aériennes couvrant toute la zone d’intervention du Siamu. Cela permet au commandement de visualiser la topographie des lieux sous un angle souvent plus avantageux que ce qui est vu du sol. Il faut également noter que le Siamu a fait preuve de transparence au lendemain du drame, puisque cet incendie a fait l’objet d’un article dans Firezone, quelques mois après la fin de la période de debriefing.

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